Présentation et historique de la commune du Plateau
La commune du Plateau est la moins étendue et la moins peuplée des 13 communes du District d’Abidjan. En effet, c’est une presqu’île de 2,5 km de longueur sur 1 km de largeur. Sa population, selon le RGPH (Recensement Général de la Population et de l’Habitat) de 1998 est de 10.365 habitants soit 0,3% de la population totale du District d’Abidjan. Par la concentration des bureaux, des sièges sociaux d’entreprises, d’administration et des magasins qu’elle abrite, elle se présente comme le principal centre d’affaires et le coeur de l’appareil politico-administratif et financier du pays.
C’est par ailleurs le premier noyau historique de la ville autour duquel les autres quartiers sont venus se greffer.
Comme partout dans le monde, ce centre-ville s’individualise par son paysage particulier marqué par la densité des immeubles et des constructions en hauteur. L’obsession sécuritaire qui étreint Abidjan imprime fortement sa marque à ce paysage où de hautes grilles et des guérites barricadent les rez-de-chaussée.
Comme également partout dans le monde, le Plateau draine d’importants flux quotidiens de population le jour, et la nuit, il se vide, ne laissant sur le trottoir que quelques exclus de la société (enfants de la rue et prostituées…) et quelques noctambules. Le ludique se substitue alors au fonctionnel et la commune se met à respirer le calme et parfois le danger.
Historique: Processus d’implantation coloniale
L’histoire du Plateau est indissociable de celle d’Abidjan. La première a été à l’origine de la seconde, mais c’est la seconde qui a donné à la première ses titres de noblesse et de gloire. L’histoire d’Abidjan est récente. De création coloniale, Abidjan n’existait pas au début du 20è siècle. En 1900 le site actuel du Plateau était occupé par quelques petits villages de pêcheurs Ebrié du groupe Bidjan : Anoumabo, Cocody, Locodjoro, Attécoubé, Santé, Adjamé, Agban, tous tenus à l’écart des grands courants de pénétration française.
Grand-Bassam, par son wharf (1901) était la capitale de la colonie. Mais cette ville n’offrait pas à ses habitants de bonnes conditions de vie car sujette périodiquement à des épidémies de fièvre jaune. La recherche d’un site plus favorable que celui de Grand-Bassam était donc à l’ordre du jour.
C’est la Mission Houdaille (1897-1899) qui découvre le site du Plateau et ses baies lagunaires. Les conclusions de la mission prévoient la possibilité de créer un port intérieur dans l’une des baies et de bâtir sur le plateau une ville salubre. Ce port sera relié aux régions intérieures par une ligne de chemin de fer et à la mer par un canal de jonction. Pour des raisons économiques et sanitaires évidentes, le Ministère des Colonies affirme sa préférence pour le site. Mais en attendant la finition des travaux de terrassement pour la construction du chemin de fer, le gouverneur Roberdeau sollicite et obtient le transfert provisoire de la capitale à Adjamé-Santey (Bingerville).
En 1903 démarrent les travaux du chemin de fer et le lotissement du site de la future ville. Ce lotissement permet rapidement la construction des services des Douanes, des Postes et Télégraphe et du Téléphone. L’Eglise catholique et l’armée obtiennent à leur tour des parcelles. Le développement des activités économiques rend nécessaire à partir de 1904 le déplacement de ces villages tchaman installés sur le site et l’aménagement d’une aire destinée à l’implantation des entreprises commerciales.
Anoumabo, alors situé dans l’actuelle rue du Commerce est transféré en 1905 de l’autre côté de la lagune entre le Pont Houphouet-Boigny et le Palais de la Culture. Santé et Locodjoro, établis sur la bordure ouest du Plateau sont contraints de céder leurs domaines pour se fixer à l’ouest de la Baie du Banco. Cocody, installé à l’emplacement de l’actuel stade Houphouet Boigny est rejeté sur le site actuel de la polyclinique Sainte Anne-Marie. A la place s’installent des Africains notamment des employés de commerce et des ouvriers que l’administration coloniale entend déloger. En 1929 une ordonnance d’expulsion de ces employés est prise et mise en exécution. Avec cette ordonnance les Européens annexent le site. Dès lors, la ville européenne peut s’étendre sur toute la langue de terre comprise entre la Baie du Banco et celle de Cocody, protégée qu’elle sera des villages indigènes par la lagune Ebrié au sud, à l’est et à l’ouest par les baies du Banco et au nord par les camps militaires Mangin et Gallieni, véritables cordons de sécurité.
La naissance du Plateau n’a donc pas échappé au classique processus de création urbaine que la colonisation a mis en place en Afrique noire. S’inscrivant dans le contexte d’une dépossession brutale des pouvoirs politique et foncier traditionnels au profit des gouverneurs, des militaires et des missionnaires, ce processus se fonde d’abord sur un objectif principal, celui de créer une ville capitale forte, monopolistique devant servir de tête de pont dans les échanges avec l’extérieur notamment avec la métropole et ensuite sur le principe de la ségrégation raciale et résidentielle.
La ville coloniale présente donc une structure double : une partie européenne, lotie, ordonnée, bien équipée et toujours construite sur un plateau bien ventilé, loin des bas-fonds et des villages indigènes tenus à bonne distance de celle-ci par des no man’s lands et des camps militaires.
Dans le cas présent, les Tchaman ont été regroupés à Anoumabo, à Adjamé et sur les terres que leur a laissées l’administration coloniale au nord des camps militaires. Les populations africaines étrangères ont été cantonnées pour la plupart à Anoumabo (futur Treichville) d’où un bac les transportait quotidiennement au Plateau pour travailler ou faire leurs emplettes. Le Plateau non encore déclaré capitale a continué à se doter d’infrastructures adéquates en vue de son rôle futur. Mais la construction du port en lagune se heurte à un obstacle inattendu. En effet le « trou sans fond » dont les ingénieurs pensent qu’il aspirera le sable retiré du cordon littoral fait le contraire. Une autre solution doit être trouvée. Le 20 Juin 1912, le capitaine Thomasset, alors directeur des chemins de fer, propose un projet prévoyant le prolongement de la ligne du chemin de fer dont la tête se trouve à Abidjan-Santé jusqu’à Petit Bassam et la construction d’un wharf et d’un pont suspendu qui relieront Abidjan à la mer. L’étude du projet n’est pas concluante aux yeux du comité des Travaux Publics qui sollicite les services de l’ingénieur Hydrographe Renaud. Celui-ci présente une alternative : relier la lagune à la mer par un canal que peuvent emprunter des navires de fort tonnage. Le projet est retenu et les travaux peuvent commencer, gênés par l’éclatement de la 1ère Guerre Mondiale puis suspendus en raison de l’opposition des commerçants.
Le 28 Novembre 1920 cependant, le conseil de gouvernement de l’AOF prend la décision officielle de faire d’Abidjan le Chef-lieu de la colonie. Un plan pour organiser et structurer son espace est adopté. Ce plan, rendu public en 1920 prévoit le tracé d’Anoumabo (futur Treichville) et ceux du Plateau et de Cocody selon une trame orthogonale. La trame du Plateau a 50 m de côté alors que la ville africaine n’en a que 20. Cocody est conçue comme une toile d’araignée, séparée du Plateau par une zone industrielle et comprenant en outre une zone résidentielle. Le port est localisé dans la baie du Banco. Le plan prévoit par ailleurs la construction du pont devant relier le Plateau à Anoumabo (Treichville). Il va s’en dire que ce plan dope l’édification de la ville. La construction des édifices publics connaît dès lors un nouveau développement. En 1933, les principaux bâtiments administratifs, sociaux et religieux sont achevés : la cathédrale Saint Paul (1913), l’hôpital central (1918), l’Institution Notre Dame des Apôtres (1930), le Palais du Gouverneur (1932), le Secrétariat Général, les Finances, les Archives, le Trésor, l’Hôtel du Parc (1933) etc… Un pont métallique flottant de 8,50 m de large reliant le Plateau à Anoumabo est construit et inauguré en 1931. Il comprend une voie ferrée, une voie automobile et une voie piétonne. Dès 1935, le Plateau présente déjà l’étoffe d’un grand centre-ville plein de promesse.
Evolution du Plateau comme centre des affaires
Plusieurs faits marquants ont permis le développement du Plateau et son évolution en un véritable centre des affaires de l’agglomération abidjanaise.
D’abord avec le chemin de fer, à l’époque, seul moyen de transport et de pénétration à l’intérieur du pays, le Plateau devient le point de départ et le terminus de tous les circuits et réseaux de commerces qui irriguent la colonie.
Ensuite, le transfert de la capitale à Abidjan en 1934 et l’installation de l’administration coloniale au Plateau renforcent l’attractivité du quartier, ce qui attire un flux considérable d’étrangers notamment des Européens, des Libano-syriens et des Africains des pays limitrophes qui investissent massivement dans le tertiaire (commerces, banques, immobilier…).
Le percement du canal de Vridi et la construction du port (de 1951 à 1956) renforcent Abidjan dans son rôle de capitale qu’elle détient depuis 1934. La majorité des entreprises s’installe près du port dans la zone industrielle et le plan Badani approuvé en 1952 confirme le Plateau comme centre administratif et commercial au détriment de sa fonction résidentielle. Du fait du développement des activités, les maisons d’import-export et les succursales des banques françaises s’implantent au Plateau le long de l’avenue Barthe dénommé « rue des banques ». Là s’établissent la BIAO (Banque Internationale de l’Afrique de l’Ouest), le Crédit lyonnais, la BNCI (banque Nationale de Côte d’Ivoire) et la BCA (Banque du Crédit Agricole).
A la veille de l’Indépendance de la colonie, tous les secteurs du Plateau sont attribués et un zoning apparaît : le quartier administratif à l’ouest, le quartier des banques au centre, le quartier du commerce au sud, le quartier des résidences au nord-est, le quartier du rail et les camps militaires au nord-ouest. Alors qu’Abidjan s’étend en tâche d’huile, le Plateau, lui se densifie et se « verticalise ». Le tracé d’un grand axe central de circulation reliant l’aéroport au Plateau et l’ouverture des voies de dégagement est et ouest renforcent encore plus la centralité du Plateau, traduisant ainsi le souci des autorités d’en faire un véritable CBD (Central business district).
C’est dans cette perspective que, parallèlement aux sociétés qui ont choisi le Plateau comme le lieu de prédilection d’implantation de leurs sièges sociaux, l’administration ne néglige rien pour y concentrer ses services et ses institutions et en faire le coeur de la nouvelle République née le 7 Août 1960. Le rôle de capitale politique et administratif confirmé à Abidjan a donc amené l’Etat à concentrer au Plateau les symboles de son pouvoir et de son autorité : le Palais Présidentiel, les Ministères, le Palais de justice, l’Assemblée Nationale, la Cour Suprême, l’Etat Major des FANCI (Forces Armées de Côte d’ivoire), les Directions Générales des Douanes et de la Sûreté, la Radio Nationale, l’Hôtel de ville etc… Tout en le mettant au service de la ville d’Abidjan, les autorités n’ont pas hésité à doter le Plateau en 1980 d’un statut administratif autonome dans le cadre de la décentralisation. Siège de la deuxième plus vieille commune mixte de Côte d’Ivoire créée en 1935 après celle de Grand Bassam (en 1914) puis siège de la Ville d’Abidjan en 1980 et aujourd’hui siège du District autonome d’Abidjan, le Plateau est devenu par la loi du 10 Octobre 1980 une commune de plein exercice avec à ce jour successivement comme maires Emmanuel DIOULO, Edmond BASQUE, AHOUNE Firmin et AKOSSI Bendjo.
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