La ville de Bouna
Bouna est une ville, chef-lieu de la région de Bounkani, dans le district du Zanzan au nord-est de la Côte d’Ivoire, près de la frontière avec le Ghana, à 603 km au nord d’Abidjan. Elle constitue une des portes d’entrée du Parc national de la Comoé.
Histoire
Vers la fin du 16ième Siècle, le peuple Lorhon (proto-Koulango) dont la présence dans l’espace Comoé-Volta Noire remonte à plus de 2 000, vont connaître de profondes mutations socio-économiques et surtout politiques. Ces mutations trouvent essentiellement leur origine dans la mise en place du Royaume Koulango de Bouna, Royaume dont le héros fondateur, Bounkani, est de mère Lorhon et de père Dagomba (actuel Ghana). Aux petites et moyennes chefferies que comptait alors cette région, Bounkani va substituer, par la voie de conquête, un Royaume guerrier de type Dagomba créant ainsi, comme le dit Boutillier (JL), le premier Etat à pouvoir centralisé à s’être formé dans les frontières de l’actuelle Côte-d’Ivoire. A la veille de l’indépendance, ce Royaume s’étendait de l’Est à l’Ouest de la Volta Noire à la Comoé ; du Sud au Nord, de Nassian à Diébougou (actuel Burkina Faso) Ce Royaume,qui a connu depuis le 16ième Siècle, plusieurs périodes de gloire mais aussi d’infortunes, que le présent document voudrait présenter de façon sommaire dans ses traits les plus marquants. Il s’agit en fait d’une esquisse de carte d’identité du Royaume Koulango de Bouna qui nous l’espérons aristocratie de la Côte d’Ivoire.
SITUATION GEOGRAPHIQUE DU ROYAUME
Situé au Nord-Est de la Côte-d’Ivoire, le royaume de Bouna est limité au Nord par le Burkina Fasso, à l’Est par la Volta Noire, au Sud par le Royaume Abron et à l’Ouest par la Comoé. Le Royaume a pour siège la ville de BOUNA, laquelle est située à 586 kilomètres d’Abidjan Le relief est monotone ; on rencontre cependant quelques monts de 500 à 600 mètre d’altitude (Mont TEHINI, Mt BOUTOUROU, Mt YEVELE) qui rompent par endroits l’uniformité du paysage. Le climat est de type soudanais et est caractérisé par deux saisons ; une saison des pluies (4 à 5 mois) avec une pluviométrie moyenne de 1100 mm et une longue saison sèche (7 à 8 mois). Les sols sont des sols ferrugineux tropicaux et se caractérisent par leur fragilité. Le royaume est arrosé par les cours d’eau permanents dont les plus importants sont la Comoé et la Volta Noire.
ORIGINES DE LA ROYAUTE
Vers le 11ième Siècle, la Région du BOUNA était essentiellement peuplée de LORHON, ancêtres des KOULANGO. A cette époque prédynastique, il existait déjà une chefferie qui était détenue par le Roi Haîngèrè, lequel assumait également les fonctions de chef de terre (Gôrô-Issiè). Le siège de cette chefferie se trouvait à KODO, village situé à 60 km environ de Bouna entre Varalé et Doropo. Haîngèrè avait une sœur dénommée Mantou. Celle-ci eu une relation avec GARZYAO, un prince Dagomba originaire de Doloma (actuel Ghana), et qui était avec ses troupes, les hôtes du Roi Haîngèrè. De cette liaison naîtra vers 1583, BOUNKANI, le héros fondateur du royaume de Bouna.
L’appellation Bounkani résulte d’après la tradition orale d’un quiproquo. Alors qu’après son séjour, GARZYAO venait de traverser la Volta Noire pour rejoindre les siens, il fut interpellé de l’autre rive par un émissaire du roi qui venait lui annoncer la naissance de son fils et lui demander le nom à donner à l’enfant. Ne comprenant pas ce que le messager lui criait, à travers le flot bruyant du fleuve, GARZYAO répondit : « Bun bo nkane » ; ce qui veut dire en langue Dagomba « Avez-vous besoin encore de quelque chose » ? Se méprenant sur le sens de ces paroles, le messager rapporta au roi Haîngèrè que le nouveau-né devait s’appeler BOUNKANI. BOUNKANI devint un rapidement un intrépide et redoutable guerrier. Grand conquérant, il organisa une troupe de jeunes Lorhon en une armée disciplinée acquise à sa cause et s’installa à Lankara, village, aujourd’hui, appelé Dagbeko situé au Sud-Est du royaume, à une vingtaine de kilomètres de Bouna. A la fois audacieux et rusé, Bounkani parviendra à déposséder sans difficulté son oncle Haîngèrè du trône et à prendre le pouvoir avec la complicité de ses compagnons d’armes.
La tradition orale raconte à ce sujet que le Roi Haîngèrè avait beaucoup d’estime pour son neveu Bounkani qui lui rapportait à chacune de ses conquêtes une partie du butin. Ainsi, lorsque Bounkani lui rendait visite, il lui proposait parfois de s’asseoir sur la chaise royale (kondja), symbole du pouvoir. o Après avoir maintes fois décliné cette offre, Bounkani décida avec la complicité deses compagnons d’armes de s’emparer pacifiquement du pouvoir. Aussi, lorsque son oncle lui fit la même proposition, il s’empressa de s’asseoir sur le trône. Aussitôt, ses compagnons tapèrent dans leurs mains pour le saluer. Cette forme de salutation locale qui n’est réservée qu’au Roi, constituait en fait une ruse destinée à usurper le pouvoir.
Devant ce coup de force, de son neveu, qui disposait alors d’une armée impressionnante et qui avait déjà, de ses propres mains, tué l’un des de ses oncles maternels, Haîngèrè n’eut d’autre résolution que de se soumettre. Mais, très meurtri et humilié par la trahison de son neveu, il préféra s’exiler en compagnie de sa femme SITI. Sur le chemin de l’exil, précisément à Hîmbiè, village situé entre Niandégué et la Volta Noire, il disparu sous terre après avoir entonné la chanson de la mort. Cette qui est une invocation adressée à Dieu à DIEU (Hiego-Issiè), le doigt tendu vers le ciel, permettait à ceux qui l’entonnaient de s’enfoncer sous terre. Seul restait visible ce doigt, qui était alors recouvert d’une calebasse.
Cet épisode tragique marque la fin du règne du Roi Haîngèrè. Avec l’avènement de Bounkani, les Lorhon vont connaître de profondes mutations socio-politiques et économiques. Au plan social, alors que les Lorhon étaient organisés en lignages matrilinéaires, Bounkani va instituer un système de succession patrilinéaire. Pour forger une mentalité de conquérants à ses sujets, il les baptisa du nom de « KOULANGO », ce qui veut dire, « ceux qui n’ont pas peur de la mort ». Il mit en place une stratification sociale comprenant par ordre hiérarchique :
– Les Ibouo ou princes (descendants en ligne directe de Bounkani et dignitaires du Royaume) ;
– Les Koulango et autres populations ;
– Les Worosso (descendants d’esclaves) ;
– Les Zaha (esclaves)
De même, à la suite d’une altercation ;avec sa mère, il décida d’appeler « Gbona » la localité de « Kwonkouô » (ceux qui ne reculent jamais) où il s’était installé après avoir quitté Lankara.
La tradition orale relate sur ce point que Mantou, la mère de Bounkani avait l’habitude de préparer les repas de Bounkani avec de la viande de bœuf, et ceux de son fils cadet Fignogori, avec des grillons. Les mauvaises langues racontèrent alors à Bounkani que les mets que sa mère préparait pour son demi-frère, étaient meilleurs à ceux qu’il recevait. Furieux, et se sentant mal aimé depuis toujours par sa mère, qui lui reprochait en fait son tempérament violent et meurtrier, Bounkani décida de se venger en la tuant. Mais au moment où il allait passer à l’acte, sa mère sortit son sein et le lui montra en disant ceci : « Bounkani, fouan gbona » ? ce qui veut dire en koulango « Bounkani, le grillon est-il plus gros que le bœuf » ? A la vue du sein maternel ; Bounkani tomba de cheval. En souvenir de cet épisode, il décida d’appeler « Gbona » la localité de Kwonkouô où avait eu lieu cette scène. Bouna est donc une déformation de Gbona .
A la tête de son armée, Bounkani va jeter les bases d’un nouvel Etat guerrier de type Dagomba. Il soumet rapidement les Lorhon, et avec leur aide, parvint à conquérir un vaste royaume situé entre la Comoé et la Volta Noire. D’après les historiens, ce royaume constitue de très loin le premier Etat à pouvoir centralisé à s’être formé dans les frontières de l’actuelle Côte d’Ivoire. A la suite de violents combats l’ayant opposé aux descendants de Haîngèrè. Qui voulaient récupérer le trône, Bounkani va, en vue de faire définitivement la paix avec ses parents maternels, confier à ceux-ci, les fonctions de chefs de terre, réservant le pouvoir politique à ses descendants. Jusqu’à ce jour, cet accord n’a pas été remis en cause.
A la mort de Bounkani qui est aujourd’hui vénéré et adoré par tous les Koulango, le royaume s’étendait d’Est à Ouest, de la Volta Noire à la Comoé ; du Sud au Nord, de Nassian à Diébougou (actuel Burkina Faso). Les descendants de Bounkani mèneront d’autres conquêtes pour agrandir le Royaume ; au Nord, ils iront jusqu’à Bobodioulasso, à l’Ouest, jusqu’à Marabadiassa, et à l’Est, jusqu’à Bolè (actuel Ghana). Divisé en grands commandements militaires, le Royaume de Bouna devenu riche et redoutable, contrôlait outre les riches gisements d’or du bassin de la Volta Noire, l’axe commercial Niger-Accra, par Bobodioulasso, Begho, et Koumassi.
Des alliances seront passées avec le Royaume Ashanti, notamment, avec le clan Oyôkô, dont les ancêtres seraient originaires de Bouna. A partir du 18ième Siècle,la puissance du Royaume sera mise à rudes épreuves par de nombreux envahisseurs, les Abrons, fuyant la suprématie Ashanti. Malgré une vive résistance, les Koulango du Sud du Royaume (région de Nassian) seront envahis et soumis jusqu’au début du 20ième Siècle au Royaume Abron. D’où l’influence de la culture Akan dans cette partie du Royaume. Vers la fin de l’année 1896, le Royaume de Bouna fut mis en sac par les troupes de l’Almamy Samory Touré, conduites par son fils Saranké Mory. Près de 80% des villages disparurent à tout jamais. Quant à la ville de Bouna, elle fut détruite le lundi 06 décembre 1896. Sa population que Binger estimait en 1889 à près de 10 000 habitants environ. Ces lourdes pertes en vies humaines amorcèrent le déclin du royaume, lequel déclin sera accentué, d’une part, par la colonisation, d’autre part, par la conversion progressive des Koulango à la religion islamique.
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