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Le peuplement du pays abè

Les clans qui se réclament autochtones foisonnent dans l'Abè. Exemples, les Brékogon, Yavodjelè de Grand Yapo, les Ochodjè de Séguié, les Okoudjelè, les Abèdje, les Amoro de Yapo Goue, les populations de Battra, et celles des villages aujourd'hui disparus de Douda et Micho-Djêdji.

A cela il faut ajouter les membres du clan Ko174. Notons que dans la langue abè, le suffixe dje ou djele signifie enfant de. Donc Okoudjele, Abèdje, Ochodje veulent dire respectivement enfants d’Okou, d’Abè et d’Ocho.

L’ancienneté de leurs implantations, ils les situent en fait par rapport à la grande migration au 18è siècle des Morie-Ru et du clan wahin affia (Gouahin Affia). Ces derniers soutiennent mordicus que leur langue originelle était l’Egbechi autrement dit l’Anyi, qu’ils ont abandonné pour la langue abè, un dérivé de la langue des autochtones du pays. Les Morie-Ru appartiennent à la migration aowin de 1721. Nous nous souvenons que des Alangoua guidés par Nana Sangban ont séjourné à Gbogbobo (Rubino) en pays Abè. Le chef principal de la migration des Morie-Ru était Kotchi Gbô.

Durant la deuxième moitié du 18è siècle, le pays abè, va recevoir de nombreux groupes akyé venus des zones d’Anyama et d’Atiékwa. A ce propos, Seka et Atchia sont cités parmi les leaders de ces migrants, dont une partie importante s’est installée à Moutcho, village créé par Bediakon Bèdè l’un des fils de Kotchi Gbô.

Nous avons déjà évoqué la curieuse coincidence qui veut qu’aussi bien les traditions orales abè qu’Enyembe-Ogbrou (Abidji), parlent de migrations provoquées depuis la Côte de l’Or par des guerres dans lesquelles les Européens étaient impliqués. Nous le répétons, cela n’est pas le fruit du hasard, mais prouve, du moins implicitement que la migration Essekpe, Akpague et Agbnan qui s’est produite durant la première moitié du 17è siècle, a bel et bien essaimé en terre abè, laissant au passage des communautés humaines se voulant de nos jours autochtones. Les Okoudjele se veulent autochtones, leur ancêtre Okou Apata (Okou Akpata) a reçu les Morie-Ru et leur chef Kotchi Gbô. Okou Apata a créé Douda village aujourd’hui disparu, venant avec les siens d’une zone à l’Est du Comoé. Les Okoudjele relèvent sans doute de la migration des Essekpe-Akpague et Agbnan. Concernant le clan Ewedje d’Awaho que l’on retrouve à Soukou-Obou en pays enyembe-ogbrou, il n’y a pas de doute.

Les Abè du village d’Anoh dans le canton Abè-Vè se réclament des ancêtres Kpata et Angodji. Or les Essekpe du pays enyembe-ogbrou citent comme ancêtres ayant mené leur exode Kongoyi et Gnangohi (Gnangodji). Il est probable qu’Angodji et Gnangodji sont un seul et même personnage. En effet la tradition orale d’Anoh précise que des descendants de Kpata et Angodji sont à Ewedje (Awaho) et qu’à Anoh même le chef de terre appartient au quartier Ewedje. Abè l’ancêtre des clans Abedje et Amoro est originaire d’Abeote, un village historique situé dans la région de Dabou, mais qui n’existe plus. Le nom Abeote signifie en Tchamanca quartier du bas des Abè. Or nous l’avons indiqué, le nom Abè est une racine du nom des Mekyibo, d’où les villages d’Abeti, Betimono, Betigbo qu’ils ont fondés. Le nom Abepasa qui chez les Tchaman désigne l’institution des classes d’âge a pour racine Abè, fondement du nom des Mekyibo. Nous avons aussi souligné qu’avant l’arrivée des Bouboury et des Aklodje, les Pèpèhiri-Mekyibo ont fréquenté le pays odjoukrou.

Nous pensons donc que les Abedje et Amoro sont une fraction des Pèpèhiri-Mekyibo qui ont remonté le cours de l’Agbo/Ogbo) (Agneby), pour peupler le futur pays abè et y intoduire l’institution des classes d’âge. Certaines interrogations appellent des réponses à propos du peuplement du pays abè.

Quels autochtones en particuliers sont les auteurs des enceintes circulaires de la Séguié ? Le clan Ochodje vit dans la localité de Séguié. Les objets trouvés dans cette enceinte permettent de la dater du 17è siècle179. Nous relevons aussi que la famille Asadje qui a donné son nom aux localités d’Asadje Ahua (Azaguié Ahua) et Asadje Blida a un nom étymologiquement proche de Séguié (Asedje/Asadje). Nous pensons que les Asadje et Ochodje comptent parmi les auteurs de l’enceinte de la Séguié et relèvent de la migration Akpafu-Ga-Krobo-Adele-Avatime. En effet les Krobo d’Ores Krobo (les Abè les appellent Otou Blekou) qui eux-mêmes appartiennent à la même migration sont tout proche.

Le canton Ko (Khos) auquel appartiennent les villages des Asadje, à savoir Asadje Ahua et Asadje Blida, a pour chef-lieu le village d’Echidje (Guessigue I) et est dirigé par la famille Abrobro (Abrobro Bosso) qui indique que les ancêtres depuis leur lieu d’origine en Côte de l’or pratiquaient la succession en ligne patrilinéaire. Or certains groupes Guan en Côte de l’Or notamment les Afutu de Winneba avaient ce mode de succession, et au sein des composantes de la migration Akpafu-Ga-Krobo-Adele-Avatime, il y avait de nombreux éléments de souche Guan. Les Afutu de Winneba sont appelés Afutu Bleku (Blekou) et ici nous voyons nettement le rapport avec le nom Otou Blekou que les Abè donnent aux Krobo d’Ores Krobo. En outre dans le village d’Echidje (Guessigue I), l’on trouve des membres de la famille Ngadje (Nkadje), groupe dont nous avons déjà parlé à propos des Tchaman Kwè et d’Akandje et des Akyé Nkadje (Nkadze) de la zone de Boape. Les Nkadje relèvent justement de la migration Akpafu-Ga-Krobo-Adele-Avatime.

La tradition orale d’Echidje affirme que le nom Ko donné au canton signifie lourd, mais en réalité il désigne un nom de matriclan que l’on appelle Ke chez les Akyé, Kwè ou Kwèdoman chez les Tchaman. Chez les Akan de l’Est, ce matriclan est appelé ôyôkô. Nous y reviendrons quand nous aborderons les aspects culturels de l’histoire des Akan. Les Battra et les Brékogon de l’Abè sont respectivement liés aux Battrafoè du Wawolé dans le Bas-Bandama et aux Brékégon du pays tchaman. Ils ont précédé dans le pays la venue des Morie-Ru. Certains Mori-Ru dont l’ancêtre se nommait Ofori (un nom très courant chez les Akan locuteurs du Twi) créeront Oforidje. Des habitants d’Oforidje fonderont Ofa dans le canton Tchofo (Tiofo), dont le chef-lieu est le village de Mrôkoudje (Eri Macouguie).

La tradition orale de Mrôkoudje (enfant de Mrôkou (Merekou) évoque une tradition d’autochtonie, dont nous avons largement indiqué les sources. Ce n’est pas le cas de Lovidjè (Loviguie) le chef-lieu du canton Abè-Vè qui à travers ses traditions orales affirment que ses ancêtres sont venus de la Côte de l’Or et ont séjourné à Morié (Grand-Morié) avant de s’installer en aval du fleuve Ogbo (Agneby). Leur ancien nom était Ahahin. Remarquons le suffixe aha qui désigne le pays des locuteurs du Twi chez les Anyi et Wawolé dans le nom Ahahin. A Lovidje l’on rencontre le clan Assamedje, (Assamadje), nom proche du matriclan Assamadje-Mlè des Abouré Ehè. Le clan Roumoudje dans le Morié se réclame du village akyé de Bécédi-Brignan.

Pendant la première moitié du 19è siècle sans doute, une guerre civile, éclatera entre Morié et Okoudje/Okoudjele aidés par leurs alliés d’Otohou. Après deux batailles décisives, les Okoudje manquèrent de poudre à canon. Craignant avec leurs alliés d’Otohou d’être massacrés, ils fuient en se dirigeant vers la région de Tiassalé qu’ils fréquentaient déjà pour leurs besoins commerciaux. Au cours de leur déplacement à travers des pistes forestières, ils se scindent en deux groupes. Le groupe qui prend le chemin de droite découvre le lac Kouassi Pètè et celui qui prend le chemin de gauche découvre le marigot Djivi. Les deux groupes se croisent à Kondjèbouma (des Anyi Amantian s’installeront en ce lieu) puis arrivent sur les rives du fleuve Assinvie (c’est le nom qu’ils donneront au Bandama).

Brie Yao le chef de l’exode rencontre le chef des Battra appelé Koulofoè Assouma qui lui cède des terres. Les migrants Abè s’installent sur un plateau où ils créent le village Otohou en souvenir de leur village d’origine. Otohou sera rebaptisé Moutoussi (Ndouci) qui signifie, je suis effrayé186. A partir de Moutoussi, seront fondés les villages d’Okoudje créé par Bebi le chef de la fraction Okoudje, Atovou, Gbôdô et Ofa.

Source: nzima-kotoko.org

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