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Mystérieux ponts de lianes chez les Yacouba

Chez les Yacouba, dans la région de la Côte d'Ivoire, les ponts de lianes constituent un patrimoine culturel spécifique qui joue un rôle essentiel dans les relations et la communication entre communautés.

On dénombre une dizaine de ponts de lianes en bon état dans cette région, dont le plus célèbre est celui de Lieupleu. Il traverse le fleuve Cavally à 80 km à l’ouest de Man. Ce sont des « ouvrages de franchissement » assurant donc la liaison entre deux rives. Leur traversée se fait pieds nus, au risque de s’exposer à des accidents qui, selon les croyances des communautés concernées, sont souvent d’origine mystique.

Mais par qui et comment le pont de lianes est-il conçu chez les Yacouba de la Côte d’Ivoire ? Il existe bien sûr des ponts de lianes chez certains peuples, par exemple en Guinée Forestière voisine ou au Gabon. Mais en Côte d’Ivoire, le peuple Yacouba est le seul à détenir le secret de conception qu’« il a hérité de Tonin » (l’araignée). La technique de base utilisée est celle du tissage. Le matériau de construction est la liane. Quelques jours avant la construction, l’assemblage des lianes est déposé le long du fleuve, au niveau du site choisi pour la mise en oeuvre de l’ouvrage. Ce site est dès lors interdit d’accès à toute personne non initiée. Le lendemain matin, un chef-d’oeuvre d’une beauté plastique, ayant les caractéristiques d’une toile d’araignée, est dressé sur le cours d’eau. On voit ainsi, les lianes attachées très haut à des branches d’arbres et retenant ainsi le pont fièrement suspendu au dessus du fleuve. En une nuit donc, avec tout le mystère qui l’entoure, le pont est conçu par des initiés, essentiellement des hommes dont la moyenne d’âge est de 50 ans. Mais, selon la tradition locale, « ce sont des génies qui jettent le pont de lianes par-dessus la rivière ». En tout état de cause, le secret est gardé jalousement par les initiés et ne se transmet pas aussi facilement.

Dès lors, le problème de sauvegarde de ces ouvrages se pose aujourd’hui avec acuité. La plupart de ces ponts sont dans un état de dégradation avancé, accentuée par l’effet de déperdition des savoir-faire et de la mystique qui rend difficile leur transmission. De nos jours, la technique de conception de ces ouvrages échappe totalement aux jeunes. La restauration des ponts de lianes s’avère une contrainte majeure de conservation, surtout que les concepteurs attitrés se font rares. Si l’on n’y prend garde, un pan exceptionnellement intéressant du riche patrimoine culturel de la Côte d’Ivoire va complètement disparaître.

Tizié Bi Koffi

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