Comment gouverne t-on un village en pays Ghwa?
Diriger un village en pays GHWA n'est pas un fait de dynastie, ni de famille, en général, la chefferie est exercée par générations ou « jéfén » Chaque génération gouverne le village pendant quinze(15) ans avant de passer le flambeau à la génération montante. C'est un gouvernement bien structuré et hiérarchisé. N'est pas chef de village qui veut. Mais il convient de savoir d'avance que diriger un village n'est pas une chose aisée.
Qu’est ce qu’une génération ?
En pays GHWA, les hommes dans chaque village s’intègrent dans des classes d’âge. A l’intérieur de générations Ainsi, il y a quatre (4) générations qui sont par ordre »d’ancienneté » : Bléshwon, Dugbô , Gnondô et Monakwon.
Chaque génération est repartie en quatre (4) classes d’âges :
– Les jehwuhon qui sont les aînés
– Les Tôgba, les cadets
– Les Nmóndonen, les puinés
– Les Ajehwuhon qui sont les benjamins.
Généralement, la différence d’âge existant entre un jehwuhon et un Ajehwuhon est de treize(13) ans environ.
Le choix du Chef du village.
Parmi les membres de la future génération dirigeante (ici le cas des Gnondô), six (06) personnes sont choisies et soumises à l’approbation de la génération sortante, ici les bhleshwon. La génération sortante peut demander le remaniement de cette liste de six personnes jusqu’à ce qu’il y ait un parfait accord entre les deux chefferies (la sortante et celle qui accède au pouvoir). Puis le chef de la génération qui suit (les Gnondô) en l’occurrence les Dugbô est désigné pour porter la liste à sept (07) personnes. Ce septième membre n’est là que dans le but d’initiation aux charges relatives à la chefferie : il est à l’apprentissage.
Avant de rendre publique la liste de ces sept personnes, il y a une toute une démarche à suivre. Les dignitaires du village (les sages avec les femmes du village) examinent le comportement des membres proposés (dans la génération qui doit accéder au pouvoir) chaque jour sans attirer l’attention de quiconque, dans le secret total. Des réunions secrètes se tiennent nuitamment avec des femmes pour passer »au peigne fin » les qualités et défauts des personnes indexées. De cet examen, on retient comme chef celui qui a un comportement honorable : doux, humble, respectueux, sans arrogance, compatissant, en définitive qui incarne la paix. Celui là sera l’élu en mesure de rassembler et gouverner tout le monde dans le village. Après accord lors du conclave, cette commission vient rencontrer secrètement la génération sortante pour lui communiquer pour la première fois le nom des personnes retenues ;le chef et ses adjoints.
Comment cela se passe t-il ?
Les membres de la Commission vont donc rencontrer le chef sortant pour lui signifier la fin de sa gouvernance. Par conséquent, diront-ils « nous sommes venus te communiquer le nom de celui que nous avons choisi pour te succéder ». Mais ces personnes ciblées n’étant pas au courant de ce minutieux choix, le chef du village sortant s’il accepte ce choix, en prend acte. Avec les autres membres de sa chefferie, ils vont frapper à la porte du chef de la génération qui doit accéder au pouvoir au petit matin pour lui demander de choisir ceux de cette génération avec qui il veut gouverner le village, sans lui dire le choix déjà fait. Dès cet instant, les responsables des classes d’âge de cette génération font des propositions à la chefferie sortante. Chaque fois qu’ils vont réveiller ces derniers, c’est avec des bouteilles de liqueur. Si le choix ne retient pas l’adhésion de ces aînés, les responsables sont renvoyés pour un autre rendez-vous, jusqu’à accord total. Cela peut coûter un carton de liqueurs. Une fois que les deux parties se mettent enfin d’accord, le chef sortant choisit un jour faste pour s’adresser à la population en ces termes:
« Le lieu où mon tabouret rentre, vous devez entrer. »
Et c’est ce jour- là seulement que tout le monde doit connaître les nouveaux dirigeants. Si le nouveau chef refuse cette nomination, les amis de la génération sont sollicités pour lui faire entendre raison, afin de revenir sur sa décision, ils lui assurent de leur soutien.
Ces sept personnes ont le vocable de chefs de village pour marquer la collégialité du pouvoir : c’est la génération qui gouverne et non un individu. Mais parmi ces personnes, une est choisie pour être le garant de la chefferie auprès de l’Administration et des autres villages avec les pleins pouvoirs.
Les chefs désignés ont pour conseillers : Les ogbonta tout au plus trois personnes reconnues pour leur sagesse et appartenant à la génération qui accède au pouvoir. Ils tiennent leur nom du fait qu’ils sont toujours assis derrière le chef, pour lui souffler les réponses en cas d’embarras. Ils ont le dernier mot lors d’une délibération en conclave pour conclure les débats.
Intronisation coutumière du nouveau chef
Un jour faste est choisi, et le chef sortant demande à tous »d’entrer où son tabouret rentre ». Alors ce matin-là, tout le village : (hommes comme femmes) converge au domicile du futur nouveau chef, avec les chefs de terre. La cérémonie commence par le don de liqueurs :
– Le nouveau chef doit donner deux bouteilles de liqueur
– Son adjoint de gauche doit fournir une bouteille de liqueur
– Celui de droite également, une bouteille
– Les quatre autres adjoints fournissent chacun une bouteille
– Les deux porte- paroles fournissent tous les deux une bouteille
– Les deux griots aussi une bouteille chacun
Soit un total de dix bouteilles de liqueur pour la nomination, à déposer devant le chef sortant. Un récital est dit par ce dernier pour invoquer les anciens afin de confier officiellement le village au nouveau chef dans la paix. Le chef sortant, pagne noué aux reins prodigue de sages conseils de bonne gouvernance à son successeur et à sa femme.
Pour matérialiser l’intronisation, deux femmes de différentes familles sont choisies pour les laver : une Gnongronbhié du matriclan (Gnongron) et une gónbhié du (matriclan gonhon) qui doivent induire leur corps de ópú (poudre végétale) mélangé de feuilles, à tour de rôle. *On dit alors :(bhó fô óbhié bhó gu bhô = on les a lavés d’une mixture triturée). Après quoi, de la boisson est servie à tout le monde.
Une fois cette cérémonie terminée dans la cour du nouveau chef, tout le monde est convié à la seconde cérémonie dans la rue, sur la place publique.
Les nouvelles lois du nouveau gouvernant vont être proposées à tous les villageois, adoptées pour être appliquées à partir de ce jour.
Pour le cas d’Abhake (Mbatto-Bouaké), la génération qui gouverne actuellement est celle des Gnondô, tout comme les onze villages Ghwa. Mr ABOU N’dah Venance en est le Chef qui a reçu le pouvoir des mains de Mr OHOUKOU Oyoua Lazare, de la génération bléshwon ayant gouverné M’batto-Bouaké pendant dix-huit ans pour cause de guerre.
Voilà succinctement expliquée la manière dont le peuple GHWA gouverne sa population au niveau du village.
La généalogie des chefs de M’Batto-Bouaké ou Abhakê
Depuis deux siècles environ, ces chefs ont conduit les destinées du village par ordre :
1. AGUICHI ABOA (Gnondô), l’ancêtre fondateur de M’Batto-Bouaké
2. DJEDJI GUELY ( Dugbô)
3. DONHO ANONMANTEN (Monakwon)
4. OGBON MONNET GABRIEL (Bhleshwon)
5. BADIGRON LOBA (Bhleshwon)
6. KOUADJO AGOBEY GEORGES (Gnondô)
7. MONNET AMAFOU MICHEL (Dugbô)
8. N’DOLY CLAVER (Monakwon)
9. AGOBEY KOUADJO DOMINIQUE (Monakwon)
10. OHOUKOU OYOUA LAZARE (Bleshwon),
11. Mr ABOU N’dah Venance au pouvoir actuellement, depuis le 12 décembre 2009.
Source: mbatto.info
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