La vie artisanale chez les Baoulé
L'artisan créateur est une personnalité très estimée dans la société hiérarchisée baoulé. Le sculpteur sur bois est consulté dans toutes les affaires importantes, ainsi que le forgeron. Il n'y a pas de système de caste. Celui qui manifeste une vocation particulière peut devenir artisan.
La technique de la sculpture et de l’orfèvrerie s’acquière pendant l’apprentissage effectué chez un artisan professionnel que le père du jeune homme rétribue en conséquence.
Habillement
L’homme porte un pagne classique rectangulaire, formé de quatorze bandes de toile de coton, cousues ensemble. (Chaque bande de 10 cm de large et de deux mètres de longueur.)
Le pagne (yassaoua kondrou) est drapé sur une épaule à la façon de la toge romaine. Le coin est porté dans la main ou fixé sur la nuque par un noeud. Le vêtement de dessous est un caleçon (alâ kouné).
La femme porte le bangla ou taésou, vêtement d’une pièce enveloppant les reins (un mètre sur deux).
Pour sortir en ville, ce pagne est fixé au dessous des épaules pour cacher les seins. Il enveloppe le corps en deux tours en commençant sous l’aisselle droite. Aujourd’hui, on porte plus largement le komplé, qui comprend un corsage avec ou sans manches et un grand pagne (tanbo), pièce rectangulaire enveloppant la partie inférieure du corps, drapé autour des reins à l’aide d’une cordelette. Ce pagne descend jusqu’aux chevilles.
Avant l’introduction du tissage, les vêtements baoulé étaient faits d’écorce battue. Cette technique est encore pratiquée chez les Baoulé des villages des savanes du Centre. De larges bandes sont enlevées de certaines espèces d’arbre (le ficus) et battues ensuite à l’aide de battoirs en bois. Ces tissus servent maintenant de tapis de couchage.
Dans la région de Niéméné, on trouve encore des écorces battues dans tous les marchés, et quelques artisans travaillent encore, mais très irrégulièrement.
Parure
La possession des trésors en or était le privilège des grands chefs Baoulé, transmis jusqu’à nos jours par voie d’héritage. Ils avaient coutume, au cours des grandes fêtes, de porter des bijoux en or massif, très somptueux : lourdes chaînes supportant des pendentifs (nfloû bâ tri) et des pectoraux en forme de symboles variés.
Les colliers en perles anciennes ne sont portés de nos jours qu’aux grandes occasions, par les familles nobles.
Les non nobles portent aussi de belles parures anciennes, des bagues et des pendentifs, en or filigrané, des bracelets en ivoire d’éléphant.
Le chasse mouches n’est pas seulement un accessoire fonctionnel. Il est réservé aux dignitaires de haut rang social. Le manche en bois est très décoré et souvent ces parties sculptées sont recouvertes d’une mince feuille d’or. Il en est de même pour les cannes sculptées, symboles du pouvoir, dont les motifs décoratifs ont un sens allégorique précis.
A l’âge de deux ans, la fillette reçoit un collier en verroterie (baâma) qu’elle portera autour des reins. Ces colliers vont en augmentant avec l’âge et le nombre de soupirants de la jeune fille.
La femme Baoulé porte un collier de perles bleues minuscules, en verre ancien, appelé ndioulâba ou simplement âfié. Ce collier peut être aussi en or composé de différents éléments décoratifs assemblés par un cordon.
L’anneau de cheville en cuivre est tombé en désuétude (ces anneaux remplissaient davantage la fonction de monnaie d’échange plutôt que celle de parure).
On porte l’ohidya âfta, jarretières en petites perles rouges ou bleues qui se placent aux deux jarrets ou aux chevilles (de deux à cinq).
Les boucles d’oreilles (âsano mandé) sont en or, fabriquées par le procédé de la cire perdue, en forme de fleurs, de grains.
Les amulettes sont de nature magique d’origine maraboutique. La substance magique donnée par le féticheur (amoué fomé) est portée dans un sachet de toile, cousu dans les plis du vêtement ou attaché avec un lacet en fil de coton.
Coiffure des femmes.
Très variée de formes; par exemple, cheveu en touffes et fausses tresses ligaturées. La chevelure est divisée en carrés de dix huit à trente deux. Dans chacun d’eux, on ramène le, cheveux et on les ligature avec un fil noir pour réaliser une tresse. Toutes les tresses ainsi formées sont réunies par leur extrémité su,les tempes et sur la nuque (le nombre de tresses est au moins de trente).
Tissage
Le tissage baoulé est très riche.
Tiébissou, à 68 km de Bouaké, est le centre le plus important du tissage baoulé.
Dans la fabrication des bandes tissées des pagnes. les réserves d’indigo en chaîne forment des motifs géométriques irréguliers. On distingue plus de vingt dessins traditionnels avant chacun un nom particulier. Les plus appréciés sont : Dangô, Bia, Soplin, Tâmbé. Tous ces motifs servent à la réalisation des pagnes d’hommes. Les Yaswa Kondrô, très beaux pagnes de cérémonie avec des symboles brodés de fils de coton de couleur (rouge et vert), se trouvent a Yamoussoukro.
La teinture des fils (généralement en indigo) se fait avec le procédé de réserve. L’approvisionnement en fil de coton est encore local. Les femmes des villages continuent à égrener, à carder et à filer le coton récolté dans leurs champs (les bobines de fil écru sont achetées de 10 à 20 francs le fuseau). Mais, de plus en plus, la filature industrielle des environs de Bouaké fournit le coton teint à tous les tisserands de la Côte d’Ivoire. Les tisserands baoulé, tous cultivateurs, travaillent surtout à leur métier, le mercredi et le vendredi. et le dimanche, jours interdits à la culture et consacrés aux cultes de la terre, Les autres jours, c’est juste en rentrant des champs. vers 17 heures, qu’on peut voir des tisserands travailler dans tous les villages entre Toumodi et Dimbokro, et ceux autour de Tiébissou. Les Baoulé réalisent aussi des tissus en fibres de raphia, teints par réserve (inspirés sans doute des étoffes des Ashanti, teintes au pochoir). Les motifs découpés d’après des patrons sont imprimés au moyen d’une pâte résineuse ou de cire. Le tissu est ensuite trempé dans un bain de teinture.
Les Baoulé savent teindre les pièces de tissus en indigo pur mais, dans certaines régions, ils ont laissé à certains immigrés Mandé ou Voltaïques le soin de développer cet artisanat.
A Bouaké, on utilise la technique plus compliquée du batik (réserve à la cire). Certaines parties de l’étoffe sont ligaturées, et le procédé donne une grande variété de motifs. Deux teintures traditionnelles sont encore utilisées : l’indigo (macération de feuilles pilées et séchées, mélangées à une solution de potasse) et le kola (macération de noix de kola, pilées). Chaque bain dure de 20 à 30 minutes. Pour obtenir des tons plus foncés, on augmente le nombre de bains. On pratique encore dans le village de Satiari la technique de l’écorce de ficus, battue avec un bâton; elle sert de tapis de couchage.
Vannerie
Fabrication de nattes, cloisons et clôtures en feuilles de cocotier séchées au soleil, ou en nervures de palme.
Tamis, corbeilles en lianes pour le transport de la kola, vans très allongés à deux anses rectangulaires, paniers avec dessins, éventails pour attiser le feu, qu’on trouve au marché de Bouaké.
Les poulaillers baoulé ressemblent à des cages avec une partie supérieure à claire voie, et une porte en store. Dans les régions du Sud Baoulé, certains sont en copeaux de ronciers et ont la forme même de la volaille, avec tête et queue, et une ouverture au sommet. On ne peut donc y mettre qu’une seule bête. Greniers en vannerie, destinés au café et au cacao, de un à deux mètres de haut, dans toutes les régions de Sakassou.
Travail du cuir
Le travail du cuir, en pays baoulé, est la spécialité d’artisans nigériens ou maliens (Haoussa et Dioula).
Les Djeli, caste des cordonniers, sont d’origine mandé; leurs femmes sont potières.
Les Baoulé n’ayant pas de chevaux, il n’y a donc pas de tradition de sellerie.
Travail du bois
Chez les sculpteurs baoulé, la statuaire est plus importante que la fabrication des masques.
Chaque famille du moindre village possède encore ses waka sona, figuration d’ancêtres, de divinités ou d’animaux emblématiques.
Le culte des ancêtres étant encore très vivace (il est la base de toutes les activités religieuses des Baoulé), les portraits d’ancêtres sont les plus représentatifs de la sculpture baoulé. Sur ces portraits d’aïeux (disparus ou personnages encore vivants), on peut découvrir toute la gamme des coiffures tressées traditionnelles, des scarifications corporelles, des attributs religieux ou coutumiers.
Les masques sont représentés soit par des grands masques heaumes à corne, inspirés d’animaux emblématiques (buffle, hippopotame, bongo, panthère, éléphant, crocodile) qui interviennent dans les cérémonies des confréries cultuelles telles que le (Io et le dié, soit des masques humains aux traits très équilibrés et très fins, aux patines remarquables, évoquant des dieux morts ou des divinités baoulé.
Le masque cérémonial, appelé kplékplé, a la forme d’un disque (symbole de force solaire) avec deux grandes cornes de buffle (animal allié du grand dieu céleste Niamié, père des créatures terrestres).
La sculpture baoulé couvre un très vaste secteur rituel et utilitaire, puisqu’on la retrouve sur les portes, les tambours, les boîtes à divination, les poulies des tisserands, les sièges, les tabourets et sur de nombreux accessoires usuels. Parmi ceux ci, citons les peignes sculptés aux formes très variées, les koué koué épingles à cheveux. Ces accessoires féminins ont souvent des dessins géométriques, ayant un sens symbolique comme une ligne brisée ou un losange lié à la fécondité (sexe féminin); les appuie têtes, tous sculptés. Dans les accessoires du rituel religieux, on trouve des récipients en bois sculpté aux motifs symboliques, qui servent à placer l’onguent dont on s’enduit le corps (bain purificateur) avant les cérémonies liées au culte des ancêtres, et les boîtes destinées à la pratique de la divination par les souris (gbekrebo).
Les Baoulés font de très belles poulies de métiers à tisser (mais hélas, elles deviennent de plus en plus rares et sont souvent remplacées maintenant par une boîte de conserve dans laquelle est placée une bobine de fil industriel), des sièges tabourets aux formes très belles, recouverts d’or, d’argent ou de cuivre (ou en bois simplement patiné), et étant le symbole du pouvoir à tous les niveaux (royaume, clan, lignage).
Ils font également des instruments de musique (tambours creusés dans une seule pièce de bois, souvent sculptés et peints, des harpes, des balafons, des clochettes en fer forgé, des rhombes).
Les sculpteurs se trouvent surtout dans les villages autour des centres comme Tiébissou et Bouaké.
Poterie
La poterie rituelle et funéraire baoulé est de plus en plus rare mais d’une grande valeur esthétique, on en trouve encore dans le village de Wachou, près dAsrikro, sur la route de Sakassou.
Les formes sont très belles, zoomorphes ou anthropomorphes, col à tête de femme, vase aux anses en forme de personnage courbé, motifs en relief ou gravés (lignes géométriques, chevrons, etc.) gargoulettes à deux goulots. Le couvercle de certaines poteries est orné d’oiseaux assemblés en cercle, allusion à la solidarité familiale qui se concrétise par la consommation en commun de la boisson coutumière.
Après la cuisson, on enduit les poteries d’un mélange de terre rouge de termitière et de décoction de feuilles, qui leur donne une couleur rouge foncé, brillante. Beaucoup de poteries baoulé sont en terre noire avec des paillettes brillantes de silice. Les décors sont réalisés au moyen d’épis de maïs, de tresse ou de ficelle appliqués sur l’argile non cuite (empreinte). Dans la région de Bouaké, certaines poteries sont entourées d’une résille en vannerie avec une anse pour faciliter le transport. Au marché de Sakassou (le dimanche), production des potières de toute la région.
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