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Les types de mariage en disparition chez les baoulé

Généralement ces mariages se faisaient à l'intérieur du village ou entre villages proches de telle sorte que l'épouse résidait encore chez ses parents afin que son mari puisse faire un champ pour elle et qu'elle-même puisse faire la cuisine pour lui. Pourtant il peut arriver qu'on se marie très loin de chez soi

Nous avons déjà vu que le mariage atovlè qui sanctionnait une séparation complète entre l’épouse et sa famille impliquait que ces mariages se fassent entre des villages relativement éloignés les uns des autres. Dans la même catégorie on peut classer les mariages liés au commerce précolonial (mariage télégamique). La route de traite entre Tiassalé et le nord du Pays Baoulé était peu sûre à moins de voyager en forte caravane et bien armés. Ainsi ceux qui faisaient du commerce se déplaçaient en se cachant. Aux abords des villages qu’ils devaient traverser ils se dissimulaient en brousse et attendaient la nuit pour continuer leur chemin. En revanche s’ils avaient des beaux-frères dans le village en cause ils pouvaient le traverser en toute sécurité. Depuis la conquête coloniale les mariages au loin sont liés à l’artisanat passager. Les artisans baoulé (les tisserands, les orfèvres et autrefois, les teinturiers et les forgerons etc….) se déplaçaient ainsi de village en village proposant leurs produits finis ou de travailler à la commande. Ces déplacements se situent entre décembre-janvier et juin-juillet périodes qui correspondent au temps mort du cycle de l’igname. S’il a beaucoup de commandes, s’il reste longtemps dans le même village. Ainsi il augmente ses chances de trouver une fiancée. Si cette dernière arrive à tomber enceinte il faudra qu’il l’épouse. Les unions télégamiques, aujourd’hui ne sont plus forcées comme dans le contexte colonial. Elles présentent quelques intérêts pour celui qui les contracte que s’il est d’un statut supérieur à celui de ses beaux frères. Toutefois chez certains sous groupes baoulé lae mariage télégamique est en voie de disparition. Pour certain ce peuple a connu déjà trop d’interpénétration culturelle et doit faire face au mariage avec les étrangers.

Bien que toutes les conditions du mariage ordinaire soient remplies, il peut arriver que la femme ne rejoigne jamais le domicile de son époux, elle reste chez son frère et y élève ses enfants sur lesquels le père n’aura jamais que des droits théoriques. C’est ainsi que les choses se passaient pour les soeurs des nobles Agoua (Le Mariage Paragamique) lorsqu’elles ne se mariaient pas en atovlè mais selon les règles du mariage ordinaire avec des hommes de statut inférieur. Même si le poids était faible même si les hiérarchies sont mouvantes, elles existent et jouent leur rôle dans la stratégie sociale. Elles font partie des moyens qui peuvent être mis en oeuvre pour réaliser le statut de la femme. En effet un homme de bas ou moyen statut consentira à faire un mariage déficitaire en ce qui concerne sa propre descendance, dans l’espoir d’utiliser la densité sociale et politique de son beau frère dans des alliances contractées par ailleurs par lui même ses frères ou ses soeurs. Encore convient-il d’ajouter que bon nombre des mariages urbains sont des unions interethniques (l’agamie de type moderne). Lorsque l’homme voudra retourner chez lui la femme ne le suivra pas elle partira de son côté dans son propre village en emmenant ses enfants avec elle.

Alors que les femmes baoulé sont toujours prêtes à se marier avec des étrangers, les hommes baoulé, pour leur part, manifestent beaucoup de répulsion à l’égard des unions interethniques. II s’agit bien entendu du contexte actuel, car il semble que dans le contexte précolonial, il ait existé des traditions de mariage interethnique de la part des hommes. Pour notre part, nous les avons relevées que dans la tribu Ahaly, à l’est de Bouaké, actuellement, sous-préfecture de Brobo.

Il semblerait que les Ahaly dans le contexte colonial allaient prendre des femmes chez les Tagouana des environs de Katiola et chez les Djamala de Sataman, les Djimini et les Dioula. Ceci à notre sens tient à deux raisons; tout d’abord à des affinités culturelles, car les populations déjà en place à l’arrivée des Assabou et à partir desquelles les Ahaly se sont constitués appartenaient au fonds Tagouana, Djimini ou Djamala.

En second lieu les Ahaly étaient relativement pauvres et les mariages qu’ils contractaient avec les femmes de ces populations du groupe sénoufo étaient pour eux l’équivalent du mariage atovlè en ce sens que la femme ne retournait pas chez les siens et que l’homme exerçait des droits sans partage sur sa filiation. Certes on donnait un peu d’or, mais surtout, avant de rentrer chez soi avec la femme on fournissait des prestations de travail qui pouvaient se prolonger deux ou trois ans. On retrouve encore ici le souci majeur des peuples Baoulé conservateurs l’un des termes de l’alliance afin de garder des droits sans partage sur la descendance, dans un contexte où pourtant les règles explicites impliquent que ces droits soient partagés entre les partenaires de l’alliance matrimoniale (groupe ethnique). Les Baoulé aimeraient bien « avoir mangé leur gâteau et l’avoir encore » et que pour se faire ils se livrent à d’incroyables acrobaties dans le domaine de l’organisation sociale et se montrent d’une légèreté peu commune à l’égard des règles de mariage instituées.

Source: Valeurs culturelles du peuple Baoule: culture et mariage
par Abonoua Rachelle YAO

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