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Céchi, cet eldorado oublié du développement

Naguère hameau d’une dizaine d’habitations, au nord-est d’Abidjan, la capitale économique ivoirienne, et érigé le 15 février 2001 en circonscription administrative, Céchi, une déformation de Chiechi, entend plus que jamais porter son destin de « Self Made Country », « la cité ou le pays qui s’est construit, bâti par lui-même ».

Céchi offre cependant le rêve d’un accomplissement social, avec ses dix gros villages bâtis sur un relief légèrement accidenté par des collines dont l’une d’elles, Bokabo, culmine à 180 mètres d’altitude, et une luxuriante végétation constituées de forêts primaires, en pleine réhabilitation, en dépit des méfaits, de nombreuses années durant, de l’agriculture itinérante et des tronçonneuses d’exploitants forestiers. Des hommes d’affaires, des sociétés agro-industrielles ou de services y prennent pied en s’implantant dans la zone.

« Grenier d’Agboville »
Peuplée de 14.207 âmes (d’après les données du dernier Recensement général de la Population et de l’Habitat, effectué en 1998), l’habitat de Céchi, découlant d’un plan d’urbanisation bien pensé par les cadres et la population, est en pleine évolution. La moitié des habitations, alors en banco dont des spécimens existent encore aujourd’hui, est en matériaux modernes.

Arrosé par un climat de type tropical humide, caractérisé par quatre saisons, deux saisons des pluies et deux saisons sèches (une petite et une grande, de part et d’autre), le pays de Aboh Somala profite bien de ses nombreux bas-fonds et jachères, et s’auréole de sa prestigieuse appellation de « grenier d’Agboville » assurant la sécurité alimentaire du département. Quoique aucune donnée statistique ne permet de l’évaluer.

Logé sur un massif granitique profondément enfoui, se côtoient, sans être un handicap, cultures pérennes et cultures vivrières. Outre le café, le cacao, le palmier à huile, et l’hévéa, aujourd’hui en plein essor dans la zone, l’on y cultive, en abondance, le riz, le mais, le mil, le fonio, le sorgho, les produits maraîchers(tomate, légumes, chou, salade, laitue, concombre…), de plantes à tubercules(igname, banane plantain, manioc, taro…), ainsi que d’agrumes(orange, ananas, citron, pamplemousse, fruit de passion…).

Sorte d’eldorado, fondé en 1880 par un paysan Abbey du nom d’Afféley de N’Gouabo, localité proche de Rubino, Kpoumgbo Abohasso, nom originel de Céchi, vit en effet un véritable drame intérieur, à la limite, cornélien, et qui la fait se considérer comme un oublié du développement, de Dieu, en somme… Ne profitant pas encore des retombées de sa participation au produit intérieur brut(PIB), et souffrant de sa pauvreté en infrastructures socio-économiques de base(écoles, services de santé, électrification, adduction d’eau, voies de communication…).

L’eau, une quadrature du cercle
L’adduction d’eau y est une quadrature du cercle, tant l’accès à l’eau relève, chaque jour, du parcours du combattant. L’approvisionnement en eau s’opère à partir de quelques puits, souvent en panne ou asséchés, ainsi que de rares marigots, vite taris dès qu’apparaît la saison sèche. En dépit d’une configuration de relâche, et hormis le chef-lieu Céchi et deux autres villages électrifiés sur la dizaine que compte la circonscription, l’électrification est également quasi-inexistante.

Mal équipé, le centre de santé urbain, avec un médecin et un infirmier, ne répond plus à la pression d’une démographie sans cesse croissante. En raison du manque de route bitumée et de pistes en bon état, praticables en toutes saisons, l’on n’y peut assurer l’évacuation de grands malades ainsi que de blessés graves vers l’hôpital général d’Agboville, situé à 65 kilomètres, et les CHU d’Abidjan, distants également de 145 kilomètres, a fortiori.

150 enfants sur 500 ont accès à l’éducation
La carte scolaire n’y est pas non plus reluisante : toute la sous-préfecture ne dispose, à ce jour, que de trois groupes scolaires et de trois écoles primaires. En 2006-2007, à cause du manque d’infrastructure d’accueil, seuls 150 enfants sur 500, en âge d’aller à l’école, ont pu obtenir une inscription au cours préparatoire première année (CP1), à Céchi-ville, par ailleurs, sous-équipée en logements pour héberger les fonctionnaires et autres agents de l’Etat. Au niveau du cycle secondaire, il n’y a pas non plus de collège public ou privé. Ainsi, les élèves, après leur réussite à l’entrée en sixième, sont affectés dans des zones, très loin de leurs parents et où, dans bien des cas, ils sont livrés à l’abandon ou à l’errance de clochard, par manque de tuteur.

Une expérience d’intégration réussie
Mais, s’il y a un facteur dont la circonscription a tiré avantage, c’est bien l’existence de la voie ferrée. Symbole par excellence de la pacification coloniale, celle-ci a favorisé, outre la communauté autochtone Abbey, l’immigration de peuples Baoulé, Agni, Koulango, Malinké, Sénoufo, Lobi, ainsi que d’étrangers, en majorité des ressortissants de pays de l’espace Uemoa/Cedeao. Illustration parfaite ou exemple achevé d’intégration réussie, y cohabitent, et en symbiose, Burkinabé, Maliens, Béninois, Togolais, Nigériens, Ghanéens, Nigérians, Mauritaniens, au demeurant, dans un esprit de solidarité et de partage fort bien vivace.

Cet esprit est manifesté surtout à l’occasion de grandes réjouissances traditionnelles et coutumières, de la survenue d’événements malheurs ou heureux, ainsi que de fêtes religieuses. Comme partout en Côte d’Ivoire, existent, à Céchi, de nombreuses religions qui régulent la foi, les croyances et les mœurs des populations. Immanquablement, Céchi connaît, elle aussi, son lot d’insécurité. Point de convergence des départements de Dimbokro, Bongouanou, Tiassalé et d’Agboville dont elle relève, la cité est à la fois planque et repaire de bandits, sans foi, ni loi. Ces derniers, leurs dents réjouies d’avoir accompli des opérations à succès dans les agglomérations environnantes, y rappliquent aussitôt, faisant s’installer en permanence au sein des populations une psychose de peur, du reste, accrue par l’absence de brigade de gendarmerie.

Céchi entend faire commerce de son expérience d’intégration qui a résisté à la désinformation, à la manipulation et à la propagande, durant les premières heures de la crise. Le pays d’Aboh Somala, pour quelque cause ou raison que ce soit, signalent des habitants, n’entend point la marchander, la ciseler ou la liquéfier. Et c’est cette expérience, à toutes épreuves, qui édifie son optimisme. Un optimisme qui fait moins déchanter, malgré son retard sur le développement.

par Emma B. ALLA-SOMBO & FOUSSENI N’GUESSAN (AIP)

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