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Les Compagnons de l’Aventure 46

En août 1946, Félix Houphouët-Boigny, alors député PDCI-RDA de la colonie de Côte d'Ivoire, décide d'envoyer des petits ivoiriens en France pour faire leurs études secondaires. La raison: ces établissements n'existent pas à la colonie.

Les Directeurs des établissements d’enseignement furent invités à sélectionner des candidats dans toutes les régions, notamment, parmi les élèves du primaire et du secondaire (écoles primaires supérieures de Bingerville, de Bouaké, de Bobo Dioulasso et de Ouagadougou), mais aussi des écoles professionnelles en Côte d’Ivoire.

Le rassemblement des élèves sélectionnés (148 enfants dont 13 jeunes filles[1]) à Abidjan pour le départ eut lieu en septembre 1946. Il fallut endurer une très longue attente parce que l’Administration coloniale, dans son ensemble, était très réservée sur le projet. La conséquence, aucun bateau n’acceptait d’accoster à Abidjan pour les prendre, au prétexte qu’il n’y avait plus de place à bord ! C’est par la volonté du Gouverneur de la colonie, Monsieur André Latrille, que le départ pu intervenir le matin du 22 octobre 1946, après réquisition d’un bâtiment de guerre par les autorités françaises.

Ne connaissant pas la France, leurs parents les avaient habillés du mieux qu’ils pouvaient (drill, kaki…). L’embarquement eut lieu au wharf de Port-Bouet. Avec une première épreuve : celle de la corbeille au bout du wharf, à une centaine de mètres au milieu de la mer. Elle déposait les enfants dans une barque qui les conduisait ensuite au bas du navire arrêté plus loin en pleine mer. Là, ils étaient remontés les uns après les autres dans une autre corbeille sur le navire. C’était la frégate F707 de la marine nationale française dénommée « Frégate l’Aventure ». D’où le nom de l’association créée après le retour définitif.[2] Faute de place, les jeunes furent installés sur le pont du navire !

L’escale à Dakar (Camp militaire Thiaroye) intervint quatre jours après. Ensuite, il fallut attendre le 30 octobre pour être embarqués en quatrième classe, couchettes superposées réservées aux soldats, sur le paquebot « Médie II ». Cap sur Marseille après une courte escale à Casablanca le 4 novembre. Arrivée à Marseille le 8 novembre à 20 h. Un instant d’émotion : deux clandestins, un sénégalais et un guinéen, se seraient noyés très tôt dans la matinée en tentant de rejoindre Marseille à la nage, malgré le froid intense ! Ils furent regroupés ensuite à la villa Sainte Marguerite dans le quartier du Prado. La Croix rouge les habilla plus sérieusement qu’au départ. Plusieurs groupes furent ensuite constitués pour rejoindre les lycées sélectionnés. C’est ainsi que 12 d’entre eux (dont le jeune François Yattien Amiguet) ont été affectés au lycée de garçons de Carcassonne, rue de Verdun. Ils arrivèrent le soir du 11 novembre, une salle spéciale avait été aménagée pour les accueillir.

Les élèves ivoiriens furent répartis dans les classes des établissements d’accueil selon leur niveau. L’adaptation fut très rapide avec des petits français très curieux et très gentils. Beaucoup furent leurs correspondants pour les accueillir chez eux pendant les congés scolaires. Ils étaient tous boursiers de la Côte d’Ivoire. Les vacances au pays étaient prévues tous les deux ans selon les résultats scolaires. Les lettres au pays prenaient un mois environ pour arriver à destination et la même chose pour la réponse. Pour les congés de Noël et de Pâques, le Ministère de la France d’Outre-Mer organisait pour les jeunes, des colonies de vacances, dans toutes les régions de France. Ce furent les meilleurs moments passés lors du séjour en France !

Il n’y a pas eu, semble-t-il de bilan officiel de « l’Aventure 46 ». L’association a pu dénombrer officieusement 33 diplômés d’études juridiques, 14 d’études littéraires, 21 d’études médicales, 11 ingénieurs… Elle a surtout servi d’exemple à la plupart des pays africains : après 1946, des étudiants boursiers africains ont été envoyés massivement en France. Les familles africaines ont également suivi l’exemple en prenant en charge le séjour en France de leurs enfants.

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