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Quand la prophétie et le songe donnent naissance à Tiémé

La tradition orale situe la création de Tiémé, érigée, en 1974, en circonscription administrative et chef-lieu de sous-préfecture, aux alentours du XVIè siècle. Après que des migrations successives, en provenance de régions sahéliennes, de peuples d'origines Malinké, Bambara et Sénoufo, en eurent constitué le substrat sociologique, en dépit de vagues hostilités au départ.

Une configuration à nul autre pareil
La chaîne de montagnes Tiémé, du nom de la localité qui l’héberge, abrite, en son point culminant, un centre émetteur de la Radiodiffusion Télévision ivoirienne (RTI). Celle-ci confère, de ce fait, au chef-lieu de la circonscription, une configuration paradisiaque à nul autre pareil.

Commune depuis les années 80 également, le microcosme actuel présente Tiémé comme le résultat d’une prophétie révélée à trois frères partis en aventure et qui auraient échoué sur une montagne qui va la donner naissance. Elle va dès lors abriter plusieurs villages qui vont ainsi traduire en réalité les songes des frères Zié, Dognienguin et Tiémin.

Des richesses insoupçonnées
Habitée, jusque-là, par des peuples migrateurs, la stabilisation relative de la population de Tiémé proviendrait essentiellement de l’existence d’un No man’s land, sorte de ligne Maginot naturelle, constitué d’une chaîne de montagnes et de forêts dont des reliques constituent, à ce jour, l’essentiel de l’écosystème de la circonscription.

Cet environnement, don ou legs de la nature, dans cette zone presque aride, renferme des richesses insoupçonnées. En dépit d’un climat de type sahélien ou soudanien, à l’instar des autres localités du nord du pays, le sous-sol ferrugineux pourrait offrir des opportunités de développement jusqu’ici inexplorées.

L’activité socio-économique est principalement axée sur l’agriculture et l’élevage, avec une prédilection pour le négoce et le commerce de détail. On y pratique abondamment les cultures vivrières, essentiellement les céréales (maïs, mil, sorgho) et les tubercules (igname, manioc…) de même que les cultures de spéculation, essentiellement le coton et l’anacarde.

Mais un déficit criant en infrastructures de base
Nonobstant ses potentialités économiques indéniables, la circonscription manque cruellement, comme beaucoup d’autres localités du pays, d’infrastructures de base suffisantes pour combler les besoins locaux.

Au plan sanitaire, la sous-préfecture dispose d’un seul centre de santé, basé à Tiémé. Il manque cruellement de matériel et de logistique, obligeant les usagers, souvent et, selon leur position géographique, à se rendre à Odienné, distant de quelque 30 kilomètres, pour des soins.

Le tableau scolaire, non plus, n’en présente pas large: un collège municipal, une école maternelle, quatre écoles primaires, deux au chef-lieu et deux à Zégbao et Tahanso, constituent, pour l’heure, le socle des infrastructures sociales existantes.

Les trois frères comme des oracles faits homme…
Comme des oracles faits homme, selon la légende, les trois frères fondateurs de Tiémé se seraient d’abord installés sur un site correspondant à la description faite en songe, avec pour dénomination Zégbao, du nom de Zié, leur aîné.

Puis, découvrant le versant sud du mont Toukéiba (appellation dialectale attribuée à la chaîne de montagnes de Tiémé) qui correspondait également aux indications leur ayant été faites dans le même songe, les frères cadets de Zié s’y installent, fondant ainsi le second village, Doniengué.

La découverte, plus tard, du versant nord du même mont Toukéiba leur aurait permis de découvrir le lieu tel que indiqué dans la prophétie, une sorte de  »Terre promise », qui est aujourd’hui Tiémé, une déformation de Tiémin, du nom du plus jeune des trois frères. Ainsi, fut fondé Tiémé.

En 1974, à la faveur d’une mémorable visite d’Etat du Président Félix Houphouët-Boigny dans le nord du pays, Tiémé passe du statut de village à celui de chef-lieu de circonscription, conformément à la mise en œuvre de la politique de décentralisation initiée par le Gouvernement. Onze années plus tard, en octobre 1985, Tiémé se voit érigée en commune, et forme, avec sept autres sous-préfectures, le département d’Odienné.

Située à quelque 30 kilomètres d’Odienné, chef-lieu de département et de région, la sous-préfecture de Tiémé compte cinq villages (Doniengué, Thanso, Zégbao, Komédougou et Tiémokosso, et la ville comprend six quartiers qui sont: Mochana, Baboura, Gbêmana, Frébara, Fofana-Diarrassouba et un quartier résidentiel.

Peine à s’arracher à la semi-clandestinité
Malgré son combat pour sa survie, Tiémé peine à s’arracher à la semi-clandestinité où elle est contrainte de vivre depuis un jour du 19 septembre 2002. Mais, avec la foi et l’espérance qui forgent son destin, Tiémé, qui n’avait plus accès à la radio, ni à la messagerie postale, a fortiori à sa brigade de gendarmerie, toujours portes closes, se prend encore à rêver.

Et comme la prophétie et le songe font désormais partie de sa réalité psychologique et culturelle, alors les populations se prennent à croire qu’au pays des frères Zié, Dognienguin et Tiémin le rêve donne la vie. Pour autant, l’Accord politique de Ouagadougou, l’ultime compromis inter-ivoirien, conclu le 4 mars 2007, dans la capitale burkinabé, pour mettre un terme définitif à la partition du pays et favoriser sa reconstruction, leur en offre l’opportunité.

Par KONE Ibrahima/Fousséni N’GUESSAN (AIP)

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